Voici une façon agréable et efficace de débuter la découverte d’une œuvre de piano
Prendre le temps de le faire élimine la plupart des difficultés d’apprentissage et maximise votre talent. Sauter cette étape revient à dépouiller la musique de tout son intérêt et rend le travail pénible. Si vous aimez souffrir…
La lune de miel
La plupart des gens croient encore qu’il faut répéter des dizaine ou des centaine de fois un trait difficile afin qu’il « rentre dans les doigts ou la tête ». C’est encore une erreur courante.
La répétition désensibilise et elle vous rendra de plus en plus imperméable à la musique. Personnellement, je sais que toutes les fois où j’ai appliqué cette façon de travailler, sur une cinquantaine d’année, j’ai perdu mon temps.
Répéter est une corvée inutile.
3-4 répétitions c’est le maximum pour une session de travail.
L’école Suisse
Il faut savoir que l’école suisse s’est grandement enrichi des plus grands pianistes d’Europe (mais aussi des artistes et scientifiques) pendant l’exode de la 2e guerre mondiale.
J’ai eu 2 professeurs suisses et ils furent vraiment mes meilleurs maîtres.
Un autre maître est Chopin à travers le livre « Chopin vu par ses élèves ».
Lune de miel
La 1ère phase de travail est la lune de miel. Elle est essentielle et permet à l’œuvre d’avoir sa « propre croissance » en vous. Elle permet de mémoriser l’œuvre sans que vous vous rendiez compte. Vous savez, quand on veut apprendre par cœur consciemment ça ne marche jamais. Mon professeur Bruno Biot me disait de ne jamais pratiquer l’œuvre tant que je ne la savais pas par cœur…??? Alors, que faire?
Jean Pierre Vetter qui était un professeur extraordinaire m’a appris à lire la partition. Vraiment lire, au-delà des notes. Ces noms ne sont pas très connus car ils ont consacré leur vie à enseigner, pas à parler d’eux-même et à se faire connaître.
Phase 1 : questionner l’œuvre. Ici on se joue la pièce sans se soucier de la performance. Il faut créer des liens, des racines entre vous et l’œuvre. Entre votre psyché et celle du compositeur. L’œuvre vous nourrira et se nourrira de vous.
- On écoute, on se joue l’œuvre assis confortablement.
- quel est la caractère de l’œuvre (triste, gaie, dramatique, mélancolique, etc)
- Faite votre scénario cela donnera de la cohérence à votre interprétation.
- Recueillir des informations sur l’œuvre. Par ex : une rhapsodie (Rhapsody in blue, Rhapsodie hongroise et même Bohemian Rhapsody). Le rhapsode était quelqu’un qui relatait les hauts fait de combats, des grandes batailles. Il contait souvent en chantant. Dans « Rhapsody in blue » de Gershwin on peut voir le combat d’un jeune immigrant pour faire sa nouvelle vie (professionnelle et amoureuse) et les obstacles rencontrés. L’œuvre se termine par la rixe et la victoire.
- Les sonates suivent le model narratif de l’opéra. Personnage principal et secondaire (souvent plus « smart » que le principal. Il peut jouer le rôle de mentor ou de destructeur. Souvent une femme possédant des pouvoir magiques ou un pouvoir de séduction chez Carmen. 2e mouvement : nocturne, processus spirituel. 3e mouvement : combat final et victoire, réappropriation de sa vie.
- Rechercher les « icônes ». Cloches* donnant l’heure ou annonçant un événement, Cors de chasse (situant l’action en forêt) ou cors du postillon**
- Essayez de respecter l’époque, l’histoire et le pays
- La pièce vous répondra, apportera de nouvelles idées
- Bien-sûr, votre scénario ne représente pas une vérité.
Après cette phase, vous réaliserez que vous connaissez l’œuvre « par cœur ». Les oreilles ont enregistré les sons en synchronisation avec votre proprioception (perception interne des mouvements). Vous pouvez commencer à pratiquer.
La lune de miel est la phase la plus agréable du travail (après le concert bien-sûr) mais la plupart de pianistes occulte. On a coutume de dire qu’un pianiste qui a du plaisir ne travaille pas vraiment. Dommage!
Prochain article : Pratiquer les vraies choses « Ne pas s’enfarger dans les fleurs du tapis »
* Cloches : à la fin du nocturne en mib de Chopin , il y a 4 coups de cloches à l’horloge du village indiquant l’heure et l’aube, l’heure où les amants doivent se séparer.
** cors du postillon : avant d’entrer dans une ville ou un village,le postillon en diligence s’annonçait au moyen d’une sonnerie de cors afin que les chevaux soit prêts à son arrivée et que l’arrêt soit le plus bref possible (comme en formule un « l’arrêt au puits »). Les villageois y entendent la possibilité de nouvelles d’un proche aimé, d’un fiancé au loin